Les organismes nationaux du patrimoine réagissent au budget fédéral de 2023

Dans un budget fédéral qui vise à juste titre à promouvoir la réconciliation, à appuyer la gouvernance et le renforcement des capacités d’action des Autochtones, à rendre la vie plus abordable pour la classe moyenne et à créer une économie propre, il est malheureux qu’il manque une reconnaissance du rôle que jouent les lieux du patrimoine et les immeubles existants pour créer des logements et soutenir une économie verte.  Les quatre ONG pancanadiennes vouées à la conservation du patrimoine – l’Association canadienne d’experts-conseils en patrimoine, le Cercle du patrimoine autochtone, ICOMOS Canada et la Fiducie nationale du Canada – évaluent le budget 2023 au regard des recommandations du secteur dans quatre domaines :  

Patrimoine autochtone 

Les quatre organismes pancanadiens du patrimoine saluent le fait que le nouveau budget fournit un financement durable pour la promotion de l’autodétermination des Autochtones en affectant 11,4 millions de dollars sur trois ans à Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC) pour mettre à jour les lignes directrices fédérales relativement à l’obligation de la Couronne de consulter les peuples autochtones et de prendre des mesures d’adaptation dans les cas où il pourrait y avoir des effets préjudiciables sur leurs droits. Il y a de plus 22 millions de dollars sur cinq ans pour la coordination des activités de mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le document budgétaire est toutefois muet au sujet de la recommandation du secteur du patrimoine de renforcer les aptitudes au leadership essentielles pour avancer sur les priorités liées au patrimoine culturel qui sont importantes pour les Métis, les Inuits et les Premières Nations en fournissant un investissement initial de 50 millions sur trois ans au Cercle du patrimoine autochtone, un organisme national dirigé par des Autochtones.

Habitation, immeubles et rénovations écologiques

Bien que le budget mette en lumière la nécessité d’assurer l’abordabilité du logement, il y a une occasion ratée – voire une incohérence – en ce qui concerne l’action climatique et l’impératif d’utiliser et réutiliser les immeubles existants. Dans un budget qui affirme l’intention du gouvernement de promouvoir le « droit à la réparation » des petits appareils, il est ironique que la même logique ne mène pas à des mesures pour nos plus importants biens de consommation, nos logements. De fait, il y a de grands obstacles à la réutilisation d’immeubles du patrimoine et autres bâtiments existants au Canada. En les éliminant, le Canada augmenterait sa capacité de fournir du logement abordable et de progresser sur ses objectifs de decarbonation. Malheureusement, le budget ne prévoit pas de mesures pour reconnaître la valeur réelle d’immeubles plus anciens en appelant à des calculs sur l’ensemble du cycle de vie / du carbone incorporé. Il ne rectifie pas les éléments du système fiscal fédéral qui favorisent la démolition inutile, l’extraction de ressources et la nouvelle construction. Il ne prévoit pas non plus d’incitatifs pour susciter l’investissement dans la réutilisation des immeubles, malgré que le secteur du patrimoine recommande depuis longtemps un incitatif à la réhabilitation.

Développement des compétences et formation 

Il reste essentiel, à la fois pour s’attaquer à notre crise du logement et pour réaliser les objectifs climatiques du Canada, de disposer d’ouvriers pouvant travailler dans des immeubles du patrimoine et autres bâtiments existants. Nous accueillons avec satisfaction la déduction pour la mobilité des gens de métier, à hauteur de 595 millions de dollars sur six ans, parce qu’elle pourrait préparer le secteur de la construction pour accélérer la rénovation écologique et la réutilisation d’immeubles existants, et elle favorisera la formation de la prochaine génération de travailleurs du patrimoine.  

Le fait de réutiliser et entretenir des immeubles est un moyen vital de réduire l’empreinte carbone du secteur de la construction, qui est un des plus grands émetteurs de carbone au Canada. Alors que le budget insiste sur la nouvelle construction et le développement des compétences dans les métiers, il est important de se rappeler que les immeubles tant nouveaux qu’existants auront à l’avenir besoin d’entretien, de réparations et de modernisation. Pour que le Canada soit prêt à entretenir ses immeubles existants autant qu’à soigner à l’avenir le parc d’immeubles qui grandit rapidement, nous souhaiterions davantage de précision dans les définitions des métiers évoqués dans le budget, de façon à ce que les compétences spécialisées nécessaires pour adapter et entretenir convenablement des immeubles existants et anciens soient reconnues, et qu’un soutien adéquat soit prévu pour aider à les développer.

Appui en faveur de lieux revêtant une importance culturelle

Nous applaudissons aux mesures que le gouvernement fédéral a prises pour les festivals (14 millions de dollars sur deux ans pour le programme Développement des communautés par le biais des arts et du patrimoine) et pour le tourisme (108 millions de dollars sur trois ans pour des manifestations locales, par l’entremise des agences de développement économique régional). Nous voyons aussi des possibilités de mettre en valeur les lieux du patrimoine de groupes historiquement marginalisés ou sous-représentés, grâce à un financement supplémentaire de la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme (25,4 millions de dollars sur cinq ans). Cependant, il n’y a nulle mention des lieux historiques nationaux ou d’autres lieux historiques importants gérés par des entités privées ou des organismes sans but lucratif – malgré la recommandation de longue date de fixer à au moins 60 millions de dollars sur cinq ans le niveau de financement du Programme national de partage des frais pour les lieux patrimoniaux de Parcs Canada. Ces lieux du patrimoine créent un sentiment d’appartenance qui favorise la cohésion sociale et jouent un rôle essentiel en rapprochant des communautés diversifiées, préservant et racontant les récits des Canadiens de tous les horizons. Les investissements publics dans les lieux patrimoniaux suscitent régulièrement au moins cinq fois autant d’investissements privés. Ils permettent en outre de créer de nouveaux emplois verts, d’améliorer l’efficacité économique en renouvelant les infrastructures actuelles au lieu de les remplacer, de stimuler l’innovation sectorielle et de mieux protéger les investissements contre la hausse des coûts du carbone.

Les lieux patrimoniaux représentent pour les gouvernements des moyens idéaux de créer de nouveaux emplois écologiques, de susciter des investissements privés, de produire des logements abordables et de refléter la diversité du pays. Nous continuerons de presser le gouvernement fédéral de reconnaître, dans ses politiques et ses programmes, la valeur des immeubles existants et des lieux revêtant une importance culturelle. Nous continuerons aussi de presser le gouvernement de créer un incitatif fiscal pour la réhabilitation du patrimoine. Il s’agit d’une mesure éprouvée qui aiderait à atteindre les objectifs économiques et climatiques de notre pays.

Natalie Bull
Directeur Exécutif
La Fiducie nationale du Canada
[email protected]  

Kisha Supernant
Présidente
Le Cercle du patrimoine autochtone
[email protected]

Mathieu Dormaels and Rebecca Jansen
Vice-Présidents
ICOMOS Canada
[email protected]  

Andrew Waldron

Directeur Exécutif
L’Association canadienne d’experts-conseils en patrimoine
[email protected]